Autopsies - Chroniques d'un médecin légiste by Michel Sapanet

Auteur:Michel Sapanet [Sapanet, Michel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: roman
Éditeur: Plon
Publié: 2022-02-23T23:00:00+00:00

Faisan farci

Il repose sur le ventre, les membres en croix. Ça ne va pas être facile : la peau est criblée sur l’ensemble du dos. Un tir de fusil de chasse, à distance. Les plombs, sans doute du numéro 5 ou 6, ont pénétré la peau avant d’atteindre les organes vitaux. Quelques plombs dans le cœur, ou les poumons, cela suffit pour tuer…

J’incise la peau, de la base du cou à celle du dos. Cette position de travail, le corps sur le ventre, n’est pas ma préférée, mais aujourd’hui je n’ai pas le choix. Mon client du jour est un peu gras, c’est mieux que s’il n’avait que la peau sur les os. Ma lame, bien placée sur la ligne médiane, suit les vertèbres, puis longe les corps vertébraux sur les côtés. Ensuite je passe entre côtes et muscles, détachant au mieux ceux-ci des os qui les supportent. Je descends ainsi le long des flancs. Toute la cage thoracique est exposée, montrant de multiples perforations postérieures. Je récupère quelques plombs qui ont été arrêtés ici par une côte, là par une vertèbre. Chaque orifice est entouré d’une petite infiltration sanguine rouge dont la couleur tranche avec celle plus rosée des muscles. Plus bas, le bassin et les vertèbres sont soudés, latéralement je perçois les articulations de la cuisse. Là encore quelques plombs ont laissé la trace de leur passage. Je désarticule les quatre membres. Je retourne mon patient du jour et finis ma dissection.

Je prends un peu de recul pour évaluer la situation : tout le squelette du tronc est exposé.

La suite ? J’ouvre rapidement la cage thoracique, je soulève sa partie antérieure, découvrant la cause évidente du décès : les poumons sont perforés à de nombreux endroits, le cœur a été atteint par quelques plombs et a laissé échapper le sang dans le thorax. Une hémorragie importante. Pour l’abdomen, je perçois du sang à travers le péritoine, cette enveloppe translucide qui entoure les intestins. J’en trouve facilement la cause : le foie a saigné, atteint par quelques projectiles. J’extrais cœur et foie, que je mets de côté. Puis je…

— Alors, docteur ?

J’imaginais déjà ma recette, mais la voix du gendarme me ramène à la réalité. Le corps repose sur le ventre, les membres en croix.

— Ça ne va pas être facile : la peau est criblée sur l’ensemble du dos. Un tir au fusil de chasse, à distance. Je dirais entre 20 et 30 mètres, cela dépend de l’arme et de la munition. En tout cas, plus de 10 mètres, et ce n’est pas ici qu’il a été tiré.

En effet, il n’est pas possible d’imaginer le tireur dans cette chambre, même si ses dimensions sont confortables.

— Les plombs, sans doute du numéro 5 ou 6, ont pénétré les chairs avant d’atteindre les organes vitaux.

— Et ces petits plombs, à cette distance, cela tue ? demande l’étudiant que j’ai amené avec moi sur la scène de crime.

— Quelques plombs dans le cœur ou les poumons, cela suffit pour tuer. Ben oui, c’est le principe du fusil de chasse et des munitions à grenaille de plomb.

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